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Chers amis

Chers amis du Palais de la découverte

Tout grand projet d’envergure dans le domaine culturel est piloté par un Projet Culturel qui établit un état des lieux de la situation présente qu’il critique souvent pour justifier son remplacement, détermine la philosophie nouvelle qui guidera le projet futur, précise les modalités pratiques de sa réalisation... Pour le futur Palais de la découverte, un Projet Scientifique et Culturel (PSC) a été pensé et rédigé sous forme d'un document de 67 pages téléchargeable ici qui trace la route vers le nouvel établissement.

 

Nous vous en présentons quelques extraits révélateurs à nos yeux de la nature profonde du futur Palais 2024. Nous les avons abondamment commentés.

 

Pour ceux qui connaissent bien le Palais de la découverte, la simple lecture de ces extraits nous semble suffisamment édifiante pour se faire une idée précise de ce projet. Pour les autres moins familiers de notre établissement, nos commentaires qui apparaîtront à chaque fois que vous sélectionnerez un extrait éclaireront ce projet d’un autre point de vue. Nous avons indiqué à chaque fois le numéro de la page dans le PSC de l’extrait présenté.

 

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Pour commencer,

Les appréciations de notre public sur le Palais de la découverte actuel

 

« Les résultats de l’étude de notoriété réalisée auprès du grand public par le CREDOC, en janvier 2016,

à l’occasion des 80 ans du Palais de la découverte, mettent en évidence la grande popularité du site. » (p. 16)

 

« Cette notoriété (du Palais) s’accompagne d’un niveau de satisfaction très élevé : 91 % des personnes interrogées estiment que la visite du Palais de la découverte « permet de mieux comprendre les sciences d’aujourd’hui » ; près de 77 % « qu’elle permet de mieux comprendre la société ». De la même manière, 79 % des personnes interrogées estiment que le Palais est « un lieu à la pointe de l’innovation ». »  (p. 16)

 

« Les visiteurs pensent être particulièrement bien accompagnés au Palais, puisque 31 % des visiteurs interrogés estiment être « livrés à eux-mêmes, sans avoir vraiment d’explications », alors qu’ils sont 52% à le relever dans les autres musées. »   (p. 16)

 

 « On ne visite pas le Palais, on vient y vivre un moment de science exceptionnel, on vient prendre le temps de réfléchir. Pour une partie du public, le Palais propose, de par sa taille, une intimité et une ambiance « familiale » qui permettent une implication individuelle soutenue, incitent à vivre une démarche d’investigation plus approfondie, et désacralisent la science. Le savoir-faire du Palais dans le domaine de la médiation permet d’offrir aux visiteurs un rapport approfondi avec des expériences scientifiques réelles.»   (p. 17)

 

 « Le label « Qualité Tourisme » obtenu en 2018, qui repose sur 395 critères normalisés et mesurables, permet de garantir une qualité d’écoute et d’orientation de haut niveau pour chaque visiteur. »  (p. 17)

 

Nous en rougissons !... Et nous rageons qu’une telle unanimité se heurte à la volonté de nos autorités d’abimer, de dénaturer, voire saccager ce lieu d’émerveillement qui est un outil pédagogique unique pour tous ceux qui désirent s’initier aux sciences...

 

 

En introduction

 

« Rénover le Palais de la découverte »   (p. 4)

 

Ce sont les premiers mots du projet scientifique et culturel 2024. Or, cette « rénovation », ce doux euphémisme, cache une véritable mutation, une transformation profonde, aussi bien dans l’esprit que dans la forme. Le Palais 2024 sera profondément différent de ce qu’il a été depuis plus de 80 ans. Il ne s’agit pas d’une rénovation, mais du remplacement du Palais de la découverte par un nouveau lieu toujours dédié à la science mais d’une nature tout autre à celle qui a concouru depuis sa création. Les extraits suivant sont éloquents à ce propos.

 

 

La philosophie du futur projet en quatre extraits

 

« Notre dessein n’est pas de combler les « lacunes » scientifiques de nos visiteurs, dont le niveau de connaissance, quoi qu’on en dise, s’est accru,… »  (p. 4)

 

« …il sera un lieu qui, au lieu d’apporter la science au public, amènera le public à la science. Il ne s’agira pas de combler les lacunes scientifiques des visiteurs, mais de mobiliser les connaissances et l’intelligence du public,… en faisant appel aux scientifiques, aux industriels ou encore aux artistes. »  (p. 23)

 

« Ainsi, le Palais de la découverte sera un espace où, au lieu d’amener la science au public, nous amènerons le public à la science : il ne sera pas un lieu destiné à compenser ou à combler le déficit en information scientifiques des visiteurs mais plutôt un lieu qui travaille avec les connaissances et l’intelligence du visiteur. » (p. 28)

 

« Par conséquent, bien que le Palais 2024 ne soit pas conçu spécifiquement comme un instrument pédagogique d’aide à l’enseignement et à l’apprentissage formel des sciences, cet espace constituera néanmoins une composante importante de l’offre globale. »  (p. 37)

 

Ces extraits résument totalement la philosophie du projet… On voit bien là que ce projet ne consiste pas en une simple rénovation mais qu’il s’agit d’une transformation profonde (un saccage disons-nous dans la pétition).

 

Jean Perrin, Prix Nobel de physique en 1926, en créant le Palais de la découverte, voulait éveiller des vocations scientifiques. Voilà ce qu’il disait en 1937 :

 

D'autre part, on peut espérer que, dans ce peuple où subsistent d'immenses réserves inutilisées, il se rencontrera parmi les jeunes visiteurs qui n'ont pas été favorisés par une éducation jusqu'ici toujours réservée à un trop petit nombre de privilégiés, des esprits particulièrement aptes à la recherche, auxquels leur vocation se trouvera révélée. 

 

Effectivement, un très grand nombre de chercheurs disent qu’ils ont vu s’éveiller leur vocation scientifique au sein du Palais de la découverte. Ainsi, le rapport parlementaire de Philippe Adenot (2007) indique que 56 % des scientifiques parisiens de plus de 30 ans et 41 % des scientifiques parisiens de moins de 30 ans disent que le Palais a joué un rôle dans leur vocation scientifique.

 

Mais, dorénavant, avec cette programmation élitiste qui se dessine, on s’adressera surtout à ceux dont la vocation scientifique est déjà bien établie…

 

 

Le bâtiment

 

« Un monument en péril », « vétuste », « avec de nombreuses non-conformités », « De nombreux dysfonctionnement limitent l’exploitation du site »… (p. 10)

 

N’en jetez plus ! Telle est la description du Palais de la découverte dans ce projet ! Quand on veut tuer son chien…

 

C’est vrai qu’il pleut toujours dans la salle des planètes aux forts orages… mais plus dans la salle Lumière (grâce à la pose de bâches). Et, la conformité électrique est en voie d’achèvement… En fait, depuis 10 ans, des travaux de rénovation ont été entrepris au Palais de la découverte. Comme, par exemple, ceux concernant la coupole du Palais d’Antin, le vaste hall qui accueille nos visiteurs, totalement rénovée il y a deux ans.

 

Bien sûr, nous souhaitons ardemment l’achèvement de cette rénovation comme l’a connu récemment la Grande Nef, notre voisin au sein du Grand Palais. Mais elle n’exigerait pas quatre ans de fermeture (celle de la coupole a demandé qu’un mois de fermeture au public !) Ni la remise en cause totale de la muséographie du Palais !

 

Pour ce qui concerne l’aspect financier, la comparaison du budget dédié à ce projet architectural monumental et celui d’une simple rénovation du Palais de la découverte avec ses surfaces actuelles conservées vaudrait sans aucun doute à celui qui choisirait la seconde option les remerciements très chaleureux de ceux à qui incombe la responsabilité du bon état des deniers publics…  

 

Le projet architectural

 

« Le projet architectural permet de conserver une surface dédiée à l’offre équivalente à celle du Palais de la découverte actuellement. La diminution des surfaces non offre (accueil, billetterie, café, boutique, espaces logistiques) est compensée par l’utilisation des nombreux espaces mutualisés avec la RMN-GP. Le tableau de comparaison des surfaces est joint en annexe. »  (p. 26)

 

Un peu avant on pouvait lire…

« Autour de la rue du Palais, des espaces commerciaux ainsi que des restaurants, dont l’un situé sur les toits, et l’autre avec vue sur les jardins côté Seine, seront communs à l’ensemble. »  (p.25)

 

Ce qu’il ne dit pas c’est que ce restaurant avec vue panoramique se fera aux dépens d’une partie de nos locaux techniques !

 

D’après le quotidien Le Monde du 13 février 2018, une fois ces grands travaux réalisés, en 2024,  voici les gains de surfaces de nos voisins au sein du Grand Palais : pour les Galeries nationales un gain de 31 %, pour les Galeries événementielles (foires, manifestations sportives, etc.) un gain de 24 %, pour les Concessions (restaurants, librairie-boutique, etc.) un gain de 92 %. Le journaliste a eu la pudeur de ne pas évoquer des pertes que subira le Palais de la découverte…

Plus généralement, comment détermine-t-on la surface d’un musée ? Doit-on uniquement considérer les surfaces dédiées au public ? Ou, doit-on également prendre en considération les locaux techniques qui sont indispensables à sa bonne marche ? Dans ces deux cas, nous estimons que le compte n’y est pas…

 

Il faut bien comprendre que ce projet architectural impose, oblige, contraint, cette mutation du Palais de la découverte. Il est porté par l’idée, sans doute d’une grande audace conceptuelle, de la création d’une entrée unique pour l’ensemble du Grand Palais. Elle se prolongera par une grande artère appelée « la rue du Palais » qui se divisera et irriguera ses trois principaux occupants du nord au sud, de l’est à ouest. Or, La branche conduisant au Palais de la découverte passe exactement là où sont disposées nos expériences les plus spectaculaires. Dispositifs expérimentaux, conçus et réalisés spécialement pour le Palais de la découverte à sa création, beaucoup trop volumineux, beaucoup trop lourds, pour être conservés dans ce nouveau projet. Ils seront donc voués à la casse !...

Il s’agit :

- de notre électroaimant de 9 tonnes, produisant un champ magnétique de 0,5 tesla, soit de l'ordre de 10 000 fois du champ  magnétique terrestre,

- du résonateur de Tesla délivrant 1 500 000 volts produisant au-dessus de la tête de nos visiteurs des étincelles de 1,5m

- de notre accélérateur de protons produisant des réactions nucléaires de fusion, fission et transmutation.

 

De plus, notre manège faisant ressentir et comprendre au public ce que sont les pseudo-forces, comme la force de Coriolis, faute de place, ne sera pas conservé.

 

 

La nouvelle pédagogie du Palais 2024

« … (le futur Palais offrira aux Parisiens) une proposition originale faisant dialoguer arts et sciences. »  (p. 23)

 

C’est par ce prisme, certes fort intéressant, mais très restrictif au regard de ce que nous avons toujours proposé à notre public que s’inscrit le futur Palais.

 

« Mais le projet va plus loin car l’objectif est également de refléter la science contemporaine en incluant les développements récents et les nouveaux champs scientifiques et la puissance des approches transdisciplinaires dans la recherche contemporaine. »  (p. 23)

 

Ce qui est à la mode, c’est ce qui se démode ! disait Jean Cocteau. La transdisciplinarité en est une depuis une dizaine d’années. Dans dix ans, sans doute, elle sera passée de mode. Notre découpage en disciplines scientifiques a le mérite de présenter un environnement familier à nos visiteurs et aux 5000 groupes scolaires que nous recevons chaque année. Ce qui ne nous empêche pas de monter des projets communs entre départements scientifiques…

 

« …le Palais de la découverte considérera les adolescents et les jeunes adultes essentiellement comme des concepteurs et des fournisseurs de contenu, plutôt que comme des spectateurs ou des simples récepteurs. »  (p.35)

 

N’y aurait-il pas une contradiction entre l’ambition affichée d’un jeune public « concepteurs et des fournisseurs de contenu » et la philosophie maintes fois répétées du projet futur de ne s’adresser qu’à un public averti !

D’autre part, le public est-il simplement passif, « simples récepteurs » lorsqu’il découvre, apprend, comprend quelque chose qu’il ignorait avant ?  

 

« … sans être nécessairement de nature disciplinaire, les nombreux éléments d’expositions disséminés dans les espaces seront potentiellement en lien avec bien plus de thèmes scolaires qu’actuellement. Ces éléments pourront être explorés de manière autonome par les scolaires grâce à des itinéraires didactiques. »  (p.37)

 

Le visiteur, scolaire ou non, face à un élément d’exposition, seul avec sa réflexion, a été un concept très en vogue dans les années 60 et 70. Il fut progressivement abandonné lorsqu’on s’aperçut des erreurs, pis des contre-sens, de nombreux visiteurs dans la compréhension de l’expérience proposée… Ou comment recycler de vieilles idées déchues !

Ainsi, l’élève, seul avec sa compréhension hasardeuse, devra construire la cohérence de ce qu’il observe. C’est d’autant plus rageant que ces espaces consacrés à ces « itinéraires didactiques » se feront au détriment de lieux de présentation, de salles d’exposés, où notre médiation pourrait accompagner sa réflexion.

 

 

La nouvelle offre

 

« A sa réouverture en 2024, le Palais de la découverte offrira à ses visiteurs un visage totalement nouveau mais pas vraiment inconnu. Ce n’est plus un ensemble d’expositions permanentes, flanquées d’exposés plus ou moins en lien que les visiteurs découvriront mais bien une expérience intégrée où les propositions muséographiques répondent aux médiations (qu’il s’agisse d’animation ou d’atelier) et réciproquement... »  (p.40)

 

On passera sur le ton dédaigneux de cette description contrastant étonnamment avec les appréciations de notre public présentées plus haut.

 

Effectivement, c’est un lieu totalement nouveau qui ouvrira en 2024 puisque nos 35 salles et lieux d’exposés thématiques (acoustique, lumière, chaleur et fluide, hérédité, ADN, …) constitués d’un matériel spécifique, riche tant en quantité qu’en qualité, unique car souvent conçu spécialement à cet effet céderont la place à 17 salles dont 10 polyvalentes faiblement équipées, faute de place, où le médiateur devra sortir son matériel puis le ranger pour laisser la place à un collègue d’un autre département. Un exposé de biologie ou de chimie pourra ainsi succéder à un exposé de physique. On conçoit fort bien que dans ces conditions  un nombre conséquent de nos présentations ne pourront matériellement plus être présentées et que tous les équipements volumineux présents aujourd’hui dans nos salles n’auront plus leur place. Leur abandon serait une perte très dommageable pour le Palais de la découverte.

La place restante sera occupée par des « ilots de curiosité »

 

« Ces îlots, nombreux (près d’une centaine) et de taille modeste (environ 20 m²), présenteront une grande variété de configuration combinée à une forte homogénéité du langage design. Propositions singulières, il importe qu’ils constituent des « objets » identifiables, que l’on perçoit aisément dans l’espace et dont les contours se distinguent du reste de l’aménagement. On y trouvera tout autant des petites manips mécaniques que des éléments recourant aux technologies numériques (VR, RA, Hololamp, dispositif permettant de créer des objets virtuels 3D, etc.), des audiovisuels ou des objets techniques ou scientifiques anciens ou contemporains. »  (p.42)

 

Une centaine d’îlots de 20 m2 chacun, à quoi il faut ajouter les surfaces de passage d’un îlot à un autre au détriment de nos salles d’exposés…

 

Un tel équipement numérique et cette profusion de petites manips demanderont des équipes de maintenance conséquentes. Or, elles seront, au contraire, très fortement réduites. Les effectifs du futur Palais 2024 passeront de 160 personnes à 80 personnes ! Nous ferons alors appel à des sociétés privées extérieures en espérant que le turnover de leur personnel soit le plus faible possible…

 

 

Chers amis du Palais de la découverte,

 

Nous pourrions continuer cette exploration du projet Palais 2024 bien plus longuement. Cela ne ferait que confirmer la profonde transformation que subira le Palais de la découverte en 2024. Les visiteurs découvriront un lieu totalement différent autant par son contenu que par sa forme.

 

Dans une tribune du Monde, le 19 juin 2018, une vingtaine de sociétés savantes ont écrit : 

A chaque amputation, ce sont des thématiques qui disparaissent : on ne trouve plus par exemple de salle consacrée à l’énergie solaire ou aux semi-conducteurs. Il est regrettable que l’on n’ait pas profité du projet en cours pour restituer un peu de cet espace à la science. 

 

Des espaces supplémentaires, il n’y en aura pas. C’est une chose. Mais la suppression d’une vingtaine de salles de présentation consacrées à la médiation humaine, l’ADN du Palais de la découverte depuis sa création, et le bouleversement de la programmation, en sont une autre.

Les approuvez-vous ?

 

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